Mallarmé, analyse de l'azur
L’Azur
1 De l'éternel azur la sereine ironie
2 Accable, belle indolemment comme les fleurs
3 Le poète impuissant qui maudit son génie
4 A travers un désert stérile de Douleurs.
5 Fuyant, les yeux fermés, je le sens qui regarde
6 Avec l'intensité d'un remords atterrant,
7 Mon âme vide, Où fuir? Et quelle nuit hagarde
8 Jeter, lambeaux, jeter sur ce mépris navrant?
9 Brouillards, montez! Versez vos cendres monotones
10 Avec de longs haillons de brume dans les cieux
11 Que noiera le marais livide des automnes
12 Et bâtissez un grand plafond silencieux!
13 Et toi, sors des étangs léthéens et ramasse
14 En t'en venant la vase et les pâles roseaux
15 Cher Ennui, pour boucher d'une main jamais lasse
16 Les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux.
17 Encor! Que sans répit les tristes cheminées
18 Fument, et que de suie une errante prison
19 Eteigne dans l'horreur de ses noires traînées
20 Le soleil se mourant jaunâtre à l'horizon!
21 - Le Ciel est mort. - Vers toi, j'accours! donne, ô matière
22 L'oubli de l'Idéal cruel et du Péché
23 A ce martyr qui vient partager la litière
24 Où le bétail heureux des hommes est couché.
25 Car j'y veux, puisque enfin ma cervelle vidée
26 Comme le pot de fard gisant au pied d'un mur
27 N'a plus l'art d'attifer la sanglotante idée
28 Lugubrement bâiller vers un trépas obscur...
29 En vain! L'Azur triomphe, et je l'entends qui chante
30 Dans les cloches. Mon âme, il se fait voix pour plus
31 Nous faire peur avec sa victoire méchante,
32 Et du métal vivant sort en bleus angélus!
33 Il roule par la brume, ancien et traverse
34 Ta native agonie ainsi qu'un glaive sûr
35 Où fuir dans la révolte inutile et perverse?
36 Je suis hanté. L'Azur! L'Azur! L'Azur! I'Azur!
Auteur d'une œuvre poétique ambitieuse, Stéphane Mallarmé a été l'initiateur, dans la seconde moitié du XIXème siècle, d'un renouveau de la poésie, dont l'influence se