Après l’échec cuisant de sa première pièce, La Nuit vénitienne (1830), Musset, écoeuré par la sévérité du public, écrivit des pièces destinées avant tout à la lecture. Il s’émancipa ainsi des contraintes de la scène et livra à la postérité un théâtre d’une extrême liberté de ton et de mouvement. La pièce mélange les genres, comme le préconise le manifeste sur le drame romantique qu’écrivit Victor Hugo dans la Préface de Cromwell (1827), cependant le dépouillement et l’unité de l’intrigue lui confèrent aussi une facture très classique. L’extrait en question prend place au coeur de la scène d’exposition qui fait défiler les personnages principaux : Marianne, un livre de messe à la main, est abordée sans succès par l’entremetteuse Ciuta pour le compte de Coelio, son soupirant. Son mari jaloux et soupçonneux, Claudio, nous est présenté alors qu’affublé de son valet Tibia, il trame un stratagème pour neutraliser ses éventuels rivaux. Enfin, Coelio, découragé par l’inflexibilité de l’orgueilleuse Marianne, tombe sur Octave à qui il demande de jouer les intermédiaires. Tandis que résonne encore le lyrisme mélancolique du monologue de Coelio, le comique apparent de leur rencontre n’est pas exempt, déjà, d’une certaine tension dramatique.
2. Des tonalités contrastées
(Questions 1 et 4) Le passage se divise en deux parties bien distinctes : dans un premier temps (l. 1 à 19), il prend l’allure d’une conversation libre et spontanée. L’échange de répliques, imprévisible, répond à deux logiques contradictoires : celle de Coelio, hanté par une idée fixe (faire savoir à Marianne qu’il l’aime, par l’intermédiaire de son ami) et celle d’Octave, guidé par sa seule fantaisie. Dans un deuxième temps (l. 20 à 44), l’échange ludique de répliques du tac au tac (proche de la stichomytie) cède le pas à deux tirades où chacun définit sa situation et son état d’esprit. Coelio élude systématiquement les questions d’Octave (sur sa santé, l. 1-2, sur son accoutrement,