Michon
Qu’est-ce qu’être poète ? À quoi peut servir la poésie ? Telles sont les questions auxquelles tentent de répondre les cinq poètes du corpus : l’auteur romantique qu’est Victor Hugo, le poète communiste que fut Aragon, les trois poètes singuliers que furent au XX° siècle Paul Claudel, Jean Cocteau et Francis Ponge.
Pour Victor Hugo dans le poème Fonction du poète, extrait du recueil de 1840 Les rayons et les Ombres, être poète, c’est être solidaire des hommes, et non se retirer loin d’eux pour cultiver son art. Victor Hugo dénigre en effet le poète qui, tel un « chanteur inutile » (v.9) se couperait de ses « frères » (v.3), « prend(rait) ses sandales « pour éviter de dénoncer « les scandales » de son époque. Le poète vient donc raffermir la flamme des êtres humains en leur montrant, tel un prophète » la voie d’un nouvel avenir. La métaphore de la torche et de la flamme témoigne de cet espoir qu’il doit maintenir, de cette voix qu’il fait retentir et qui inscrit un avenir, réouvre des « utopies ». Porteur d’espoir, il est prêt à affronter les sarcasmes de ses contemporains pour maintenir l’espoir. Dans sa Quatrième Ode parue en 1910, Paul Claudel veut également que le poète soit utile à la société : il le compare à « un constructeur de chemins de fer, à un fondateur de syndicats » (l.11-12). Refusant de faire du poète quelqu’un d’éthéré, d’inspiré par une Muse antique, il veut accomplir une tâche qui soit plus utile à ses contemporains, en « chant(ant) les œuvres des hommes ». Louis Aragon reprend cette idée lorsqu’il inscrit au cœur de ses Strophes pour se souvenir les paroles porteuses d’avenir de ce jeune résistant, Manouchian, condamné à mort. En rappelant en 1956 ces paroles, et sa croyance dans l’avenir, dans le retour de la liberté, il fait du poème un combat réaffirmant des valeurs essentielles de l’homme. Chanter ce jeune résistant, c’est rappeler le sens d’un combat et célébrer la foi de ceux qui ont cru dans la liberté au point de