Modélisation du récit
La modélisation-simulation du récit
8.1. 8.1.1.
Le roman fleuve Le lecteur acteur
Ce qui anime les investigations actuelles à la croisée du récit et du jeu est avant tout une intuition : face à la profusion des possibles à laquelle le récit nous soumet, pour finalement presque toujours nous en présenter un seul, l'interactivité nous laisse entrevoir une autre option de gestion de ces possibles. Et si c'était le lecteur (pris au sens large) lui-même qui parmi ces possibles choisissait, au moins en partie, le chemin de l'histoire ? Et si, face à un héros qui lui échappe, le spectateur de cinéma, au lieu de s'écrier, tout bas ou tout haut, « Non ! », pouvait enfin décider des choix du héros ? Mais le concept d'histoire interactive est retors, et ne se laisse pas apprivoiser par le simple ajout d'interactivité à une trame narrative. Ainsi, dans les jeux vidéo d'aventure, qui sont des oeuvres narratives et interactives, le joueur ressent, encore plus fort puisqu'il la vit, cette même intuition: « J'ai envie de choisir le destin de mon personnage mais l'histoire est déjà tout tracée ». Ce concept n'est pas sans poser des difficultés théoriques considérables. En particulier, cette impuissance que nous évoquions ci-dessus est le fondement même du récit, et notamment du récit dramatique [TAN 96]. Ainsi, le concept même de tragédie pose des difficultés si le lecteur devient le héros, puisqu'il devient évident qu'il évitera naturellement de faire évoluer son héros vers des événements trop tragiques, notamment sa mort finale [RYA 01b]. Une autre difficulté à entrevoir est
10 Jouer avec une histoire
la cohérence du personnage-lecteur: la cohérence des personnages est essentielle au récit, hors celle-ci est loin d'être garantie si le lecteur prend les commandes [GLA 01]. Conscients de ces difficultés, mais confiants qu'elles ne constituent pas des preuves d'impossibilité du concept d'histoire interactive, nous estimons que la quête de l'histoire