DÉVELOPPEMENT RÉDIGÉ Introduction La plupart des récits autobiographiques fourmillent en péripéties que le narrateur revit avec émotion ou frayeur rétrospective. Les Mémoires d'outre-tombe n'échappent pas à la règle: à côté de confidences personnelles, de moments véritablement historiques, ils évoquent, en raison de la vie aventureuse que mena l'auteur pendant longtemps, des moments intenses qu'il se plaît à rappeler. C'est ainsi qu'il revit, plus de trente ans après, la terrible tempête qui assaillit en Manche le navire qui le ramenait d'Amérique du Nord en décembre 1791. Conduite avec un sens très sûr du récit palpitant, cette page nous tient en haleine par son caractère dramatique; mais Chateaubriand, en admirateur impénitent des spectacles naturels, y atteint aussi une rare puissance descriptive. Ce sont les deux aspects principaux du texte qui structureront notre commentaire. Première partie : un récit dramatique L'auteur a su nous faire vivre l'épisode avec intensité d'abord grâce à la focalisation interne, beaucoup plus efficace qu'un récit distancié, et à la riche trame narrative encadrée par les passés simples de la première et de la dernière phrase. Dès les premiers mots, c'est une situation gravement compromise que nous découvrons en même temps que le narrateur: le navire a manqué de virer. La personnification discrète dans la deuxième phrase est un moyen de nous faire partager plus sûrement les affres des passagers et de l'équipage: «le bâtiment avait essayé, mais, n'ayant pu y parvenir, il s'était affalé sous le vent". Ce sont au demeurant des actions accomplies et comme irrémédiables : la catastrophe semble bien inévitable. Le navire dérive donc dangereusement sur une mer en furie et dans un «canal" bordé de récifs; «nous nous y trouvions engouffrés", évoquant le sort collectif, marque à la fois la violence des éléments et l'incapacité à tenir sa route. Il n'est rien de pire non plus à l'approche de la côte que de ne pas savoir où l'on est.