Mémoire
“Pour exprimer l’imaginaire du monde l’écrivain doit partir d’un lieu” (Glissant, PD, 133) La question de l’articulation entre mémoire et imaginaire date de la nuit des temps. La mémoire n’est pas simple résurgence du passé mais tissage sélectif dans lequel l’empreinte qu’ont laissé certains événements sur notre subjectivité et notre affectivité sert de matériau à l’imaginaire. “En faisant le récit de son histoire”note l’éthologue Boris Cyrulnick “on ne la revit pas on la recrée” (MM, 21, 162). N’est-ce pas à ce décalage entre passé et récit que fait allusion Maryse Condé en donnant à son recueil autobiographique le coeur à rire et à pleurer le sous-titre “contes vrais de mon enfance”? Le roman de Simone Schwarz-Bart, Pluie et vent sur Télumée Miracle, se présente comme le récit autobiographique d’un personnage narrateur, Télumée. Composé de deux parties, “présentation des miens” et “histoire de ma vie”, le texte est ancré dans une réalité bien antillaise. En se penchant sur l’histoire d’une vie, celle d’une jeune paysanne guadeloupéenne, l’écriture explore les liens entre mémoire individuelle et mémoire collective – une mémoire inscrite dans la mémoire des lieux. À travers ses réminiscences personnelles, la protagoniste/narratrice découvre “le relevé, ou le repère d’un rapport collectif des hommes à leur entour” (DA, 235). Dans son étude sur Schwarz-Bart, Filles de solitude, Kathleen Gyssels note que la femme schwarz-bartienne devient image de l’histoire et que “le vécu [de Télumée] vaut pour l’identité collective” (48). En effet, en faisant le récit de son histoire individuelle, Télumée, est amenée à s’interroger sur l’ histoire de son peuple: “Il y a bien longtemps que j’ai laissé ma robe de combat [ … ] je reste sur mon petit banc […] à chercher mon temps à travers la fumée de ma pipe,