Nicolas cornibert
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La promenade de Bergson dans L’Anti-OEdipe
Par Nicolas Cornibert (Toulouse)
Je voudrais tenter ici de développer ou plutôt d’exploiter à fond une suggestion émise initialement par François Zourabichvili1 quant à un rapprochement possible à effectuer entre l’ouverture de L’Anti-OEdipe comme mise au jour d’un plan machinique de productivité infinie, et l’ouverture du premier chapitre de Matière et mémoire en tant qu’y est formulée l’hypothèse, comme on sait, d’une identification de la matière à un ensemble d’images déterminées par leurs actions et réactions réciproques. Or, que l’on ait affaire, de part et d’autre, à l’instauration de ce que Deleuze appellera un plan d’immanence ou de consistance n’est certes guère contestable, mais le rapprochement pourrait aussi bien s’arrêter là. On sait en effet, depuis Qu’est-ce que la philosophie ?, que les plans d’immanence sont toujours variés, distincts, multiples dans leur façon d’emprunter au chaos leurs traits diagrammatiques propres, nécessairement pluriels aussi dans la mesure où aucun plan ne saurait embrasser le tout du chaos sans y retomber aussitôt2. On se demandera ainsi quel peut bien être le point de rencontre ou de recoupement entre une « image de la pensée » tout entière ordonnée à renouveler la question du rapport de l’âme au corps à travers une théorisation originale de la perception et de la mémoire, et une « image de la pensée » caractérisée, elle, par une critique conjointe du familialisme psychanalytique et de la machine capitaliste, visant, à l’issue de cette critique, et sous les espèces de la schizo-analyse, à la libération des flux de désir constitutifs du processus dit schizophrénique.
Or, le paradoxe d’un tel rapprochement s’accuse encore dès lors que l’on constate que le nom même de Bergson demeure quasiment absent de L’Anti-OEdipe, n’y figurant en tout et