Nietzsche crépuscule des idoles
3655 mots
15 pages
Introduction : Si l’avare ne songe qu’à sa richesse, le joueur qu’à son gain, et si l’amoureux ne vit qu’à travers l’être aimé, il semblerait bien que tout passionné soit obnubilé par l’objet de sa passion, et prêt à tout pour la vivre, même à braver les commandements les plus évidents de la raison. Communément, nous jugeons les passions comme despotiques, aliénantes, et c’est la raison pour laquelle, elles furent longtemps condamnées car considérées comme des maladies de l’âme. Le christianisme prône ainsi des règles de vie strictes dans le but thérapeutique d’abolir toute passion. Mais c’est précisément cette morale religieuse et agressive que Nietzsche entend dénoncer dans cet extrait du Crépuscule des Idoles, en dégageant les véritables raisons de cette guerre menée contre les passions. Si les passions sont synonymes d’aliénation et de servitude, on comprend aisément la haine, et le déchaînement de violence que prône à leur encontre l’Eglise. Mais les passions ne sont-elles que néfastes ? Nos désirs sont également ce qui nous anime, ils constituent pour nous des élans moteurs, nous poussant à agir et à créer4. Ne faut-il donc pas prendre en compte cette positivité de la passion ? Lutter aveuglément contre les passions, n’est-ce pas finalement lutter contre nous-mêmes ? L’enjeu du texte nietzschéen apparaît de ce fait double : il consiste d’une part à dénoncer la fausseté des morales chrétiennes et antiques qui ne font qu’étioler l’homme en menant la guerre aux passions, mais consiste également, à déterminer, d’autre part, l’attitude juste et légitime, que nous devons adopter, pour ne pas être esclave de nos passions, mais profiter pleinement de l’énergie créatrice qu’elles nous confèrent. Pouvons-nous donc apprendre à vivre intelligemment et pacifiquement avec nos passions ? Si les passions peuvent être tout d’abord néfastes, elles évoluent et finissent toujours par se lier à l’esprit, par s’apprivoiser, reconnaît Nietzsche, dans le premier mouvement