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UTOPIE, EUTOPIE, DYSTOPIE ET ANTI-UTOPIE di Corin Braga
Le genre utopique comporte une dichotomie interne importante : celle entre l’utopie positive et l’utopie négative. Il existe une abondance de termes apparentés qui désignent différentes nuances entre les variétés du genre utopique ou qui sont parfois utilisés comme de simples synonymes. On parle ainsi d’utopie et d’anti-utopie ou contre-utopie, d’eutopie et de dystopie, de cacotopie, de satire utopique et d’utopie satirique, d’utopie inversée, de pseudo-utopie et de semi-utopie, d’utopie négative et d’utopie « deutopianisée », etc.1 Dans ce travail je me propose de reprendre tous ces termes et de les réorganiser dans une taxinomie ou une classification. Utopie, eutopie, dystopie et antiutopie deviendront ainsi quatre variétés distinctes du genre utopique. Le mécanisme de génération des sous-genres utopiques est l’inversion, avec tous ses modes philosophiques et poétiques : l’opposition, le contraste, le paradoxe, l’antinomie, l’antithèse, l’antiphrase, l’oxymoron, etc. Il faut souligner que le mécanisme réversif se trouve au coeur même de l’utopie, compte tenu du fait que tout univers utopique adopte une position polémique par rapport à un univers de référence (que celuici soit réel ou imaginaire, peu importe). L’utopie se construit en comparaison avec quelque chose : elle est une variante, positive ou négative, un « possible latéral » de ce qu’on peut appeler un « réel central ». Dès l’apparition du genre, le texte fondateur de Thomas More a mis en relief la dualité de la structure utopique, distribuant en deux volets parallèles les images de l’Angleterre et de l’Utopie, de Notre Monde et de Leur Monde, de l’ici et de l’ailleurs. Même quand le terme « central » n’apparaît pas dans le récit utopique et le terme « latéral » utopique figure comme le seul protagoniste de la narration, cet « ailleurs » est toujours dans une relation