Notion d'humanité dans l'ordre juridique belge
S’appuyant sur des « considérations d’humanité », un juge de paix n’hésite pas à renverser le déroulement traditionnel des relations contractuelles en matière de bail1, décidant qu’il convient de reporter la fin du contrat à la belle saison, afin de permettre au locataire, personne âgée, de déménager dans des conditions conformes à la dignité humaine. Ayant pénétré le domaine du droit, le concept d’humanité est à l’œuvre dans nombre de textes législatifs, prenant parfois, comme en matière d’aide sociale, l’habit de la dignité humaine ; il a également pris rang au balcon constitutionnel, d’où il étend son influence sur l’ensemble du droit. Approcher ce thème chargé d’une forte valeur symbolique et évoquant un idéal universel avec le regard de l’homme de droit provoque « un frisson de plaisir »2, qui se transforme rapidement « sinon en malaise, du moins en perplexité. »3 La difficulté de définir le concept n’est pas étrangère à cet état de confusion : en effet, si l’intuition nous indique que l’humanité renvoie à ce que nous partageons, en tant qu’être humain, avec l’ensemble de nos semblables, force est de constater qu’aucune définition plus précise n’apparaît. Aussi les textes législatifs qui utilisent la notion d’humanité se contentent-ils de l’invoquer, à la manière d’une évidence, sans en préciser la signification ou le contenu. En descendant sur la scène juridique, l’humanité se mue en concept opérationnel dont il s’agit de déduire des conséquences pratiques pour les sujets de droit. Sur le terrain du droit, l’humanité affronte des acteurs bien établis en la place, tels que, par exemple, le droit de propriété ou le principe de la convention-loi. A ce niveau, s’accroît la perplexité : comment appréhender les effets concrets d’une notion indéfinie, dont la prétention n’est autre que de bousculer les cadres traditionnels du raisonnement ? a.Humanité et dignité humaine
Pour analyser le concept juridique