Noucentisme
Noucentisme, catalanisme et arc latin
Le noucentisme, courant culturel et politique qui émergea en Catalogne à la fin du XIXe siècle, visait à récupérer et à transformer une culture catalane traditionnelle. Histoire d’un mythe fondateur.
PAR EDUARDO GONZÁLEZ CALLEJA / TRADUCTION DE CLAUDE BLETON
La redécouverte de la tradition classique en Catalogne dans les premières décennies du XXe siècle se produisit dans un contexte culturel et historique qui dépassait largement le cadre de cette région. Mais avec le noucentisme, l’intérêt pour l’héritage devint un élément doctrinal et stratégique qui détermina un des programmes d’action politique et culturelle les plus cohérents et les plus ambitieux de l’Espagne contemporaine. Son objectif était la construction d’un nationalisme catalan qui voulait “civiliser” les comportements publics par le truchement de la domination technique et culturelle. Ses aspirations “impérialistes” dépassaient la péninsule Ibérique et se tournaient vers le Levant de la tradition gréco-latine. Le noucentisme subit l’influence panlatiniste du
XIXe
siècle des auteurs de la
Renaixença (Víctor Balaguer, Manuel Milá i Fontanals ou Antonio Rubió i Lluch),
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La pensée de midi
introducteurs de Mistral en Espagne ou proches des mouvements qui récupéraient la culture traditionnelle méditerranéenne, comme le félibrige1. Leurs positions seront reprises à la génération suivante par Pompeyo Gener, Enric Prat de la Riba ou par l’évêque Torras i Bages, partisans d’un positivisme méthodologique qui, dès 1874-1876, encouragea les études de paléographie et d’archéologie sur les attaches latines de la Catalogne antique et médiévale. Une vocation panlatine qui, dans le monde castillan, eut au début des années 1870 d’illustres adeptes : l’historien Marcelino Menéndez Pelayo, les politiciens Antonio Cánovas del Castillo ou Emilio Castelar, les écrivains Juan Valera et Leopoldo Alas