NUL NE GUÉRIT DE SON ENFANCE
Les blessures qui s'y forment restent des plaies béantes, qui saignent et font souffrir au moindre souvenir, au détour d'une photo, à la douleur d'un mot, à l'écoute d'un air autrefois aimé, familier, et qui fait, malgré le temps qui passe, l'effet d'un coup de couteau...le couteau dans la plaie, et la boucle est bouclée.
Retour à la case départ, l'innocence perdue, les actes manqués , comme une naissance non désirée, les mensonges tordus d'une mère-enfant narcissique, ne jamais être à la hauteur des désirs du père, ne pas briller assez, puis se sentir définitivement terne, n'avoir pas eu le temps de prouver que l'âme avait ses richesses; perdre le père et tout perdre, se perdre et s'oublier, jusqu'à l'excès de tout, jusqu'à la déchirure.
Panser ses plaies en cachette, à coup de petits bonheurs, de ceux qu'on s'interdit, parce qu'on ne mérite plus rien; plus de père distributeur de bons et mauvais points, plus d'estime à construire, pour qui?
L'enfance vous broie, quand on ne peut plus y croire, c'est comme le Père Noël, ça n'existe pas, et pourtant...
La résilience est devenue, ces dernières années, un concept très à la mode. Pour les uns, il rend compte de ce processus multidimensionnel qui transforme le métal de la souffrance en or du lien interpersonnel. Pour les autres, il reproduirait la thèse darwinienne de la survivance des mieux adaptés. Jacques Lecomte consacre une étude passionnante et détaillée à cette question, fourmillant de témoignages et de résultats de recherche. Contrairement à ce que l’on pense souvent, l’immense majorité des enfants maltraités ne deviennent pas eux-mêmes maltraitants. L’explication de ce phénomène tient dans leur capacité à ne pas reproduire passivement ce qu’ils ont subi. Les facteurs qui facilitent cette résistance sont multiples et diversifiés. Ils sont souvent liés à des rencontres : le conjoint avec qui l’on vit, les enfants que l’on a, l’amitié que l’on tisse… Ces tuteurs de