Ondine - gaspard de la nuit
Aloysius Bertrand
Gaspard de la nuit, Livre III, “La nuit et ses prestiges”
Aloysius Bertrand est un poète fasciné par les images. Le sous-titre de son recueil poétique le montre, qui fait référence au nom de deux grands peintres : “Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot”.
Son désir de rivaliser poétiquement avec les autres arts (pictural, musical), l’amène à renouveler le langage poétique, à créer une forme d’écriture capable d’intégrer la rupture et la dissonance dans la continuité.
Ondine s’intègre au livre III de son recueil, “La nuit et ses prestiges”, où la nuit devient le lieu de tous les possibles, de l’émergence de toutes les images et couleurs.
Nous verrons comment le traitement d’une figure mythologique conduit Aloysius Bertrand à construire un poème où l’écriture invoque et convoque vision et musique, préfigurant les “correspondances” baudelairiennes entre parfums, sons, couleurs.
I. Une voix
1. Une voix de la nuit
La voix est le premier élément perceptible. Dès l’ouverture l’appel d’Ondine retentit et invite le poète (et le lecteur) à l’écoute. Cette injonction se répète par une anaphore à l’attaque de la strophe 3.
Le champ lexical de l’audition est très prégnant, de la reprise de l’impératif “écoute” (4x) à l’utilisation de termes comme “sonores”, “chanson”, “murmurée”, “éclat de rire”. L’ouïe est le canal préférentiel, nécessaire à l’émergence des images. C’est la parole qui permet l’invocation, la parole est génératrice d’un univers magique.
L’ambiguïté est d’emblée annoncée entre la voix et la vision, le terme étant l’homophone de “je vois”. Si la vision, ou description est possible, c’est parce qu’elle est d’abord perçue par l’oreille, puisqu’elle émerge dans un cadre nocturne. Avant que les paysages colorés naissent par les paroles d’Ondine, le cadre est sombre et morne cf. “mornes rayons de la lune”, nuit étoilée” sont les seules sources de lumière.
D’où la question : le poète est-il victime