organologie
Bernard Stiegler
PHILOSOPHE, DIRECTEUR DE L’IRCAM
AUTEUR DE LA TECHNIQUE ET LE TEMPS, ÉDITIONS GALILÉE
De la partition de Guido d’Arezzo jusqu’à la composition assistée par ordinateur, la projection graphique du temps musical – l’objectivation du son – a installé une époque inédite : l’analyse musicale comme moment du jugement esthétique accessible à tous.
L
Un système de plus en plus intégré
Au XXe siècle se produisent deux nouvelles révolutions organologiques qui confirment l’importance, pour la théorie musicale et pour l’enseignement, de la prise en compte des supports extra-instrumentaux de la musique – avec l’apparition du phonographe, puis de la bande magnétique, et enfin de l’informatique et du numérique, qui soulèvent à chaque fois des questions esthétiques parfaitement originales.
Des outils pour la musique
1. Schaeffner, Origine des instruments de musique,
p. 17.
2. Comme le montre ici même François Delalande.
3. Sur ce point, cf. Hugues
Dufourt, « L’artifice d’écriture dans la musique occidentale », Critique n° 408, Éd. de Minuit.
’histoire de la musique est d’abord (au moins chronologiquement) celle de ses instruments, et il n’y a pas de musique sans dispositifs instrumentaux, dont l’évolution conditionne celle de la musique, et inversement : c’est ce que Schaeffner appela la « pression des instruments ».
Schaeffner souligne que tenter de répondre à la question de savoir comment « définir le terme d’instrument de musique » revient à se demander « s’il existera jamais une définition de la musique ». Mettant ainsi la question organologique au cœur de la question musicale, il montre également que l’instrument est le support d’une projection spatiale des propriétés formelles du matériau temporel musical. La théorie musicale des Grecs procède par exemple d’une considération des « cordes sur la lyre », et celle de Plutarque « d’une position de trous à partir de l’embouchure du chalumeau1 ».
Au IXe