Orgueil et préjugés de jane austen
(Les cinq filles de Mrs. Bennet)
Édition de référence : (Paris, Librairie Plon, 1932.)
I
C’est une vérité universellement reconnue qu’un célibataire pourvu d’une belle fortune doit avoir envie de se marier, et, si peu que l’on sache de son sentiment à cet égard, lorsqu’il arrive dans une nouvelle résidence, cette idée est si bien fixée dans l’esprit de ses voisins qu’ils le considèrent sur-le-champ comme la propriété légitime de l’une ou l’autre de leurs filles.
– Savez-vous, mon cher ami, dit un jour Mrs. Bennet à son mari, que Netherfield Park est enfin loué ? Mr. Bennet répondit qu’il l’ignorait.
– Eh bien, c’est chose faite. Je le tiens de Mrs. Long qui sort d’ici.
Mr. Bennet garda le silence.
– Vous n’avez donc pas envie de savoir qui s’y installe ! s’écria sa femme impatientée.
– Vous brûlez de me le dire et je ne vois aucun inconvénient à l’apprendre.
Mrs. Bennet n’en demandait pas davantage.
– Eh bien, mon ami, à ce que dit Mrs. Long, le nouveau locataire de Netherfield serait un jeune homme très riche du nord de l’Angleterre. Il est venu lundi dernier en chaise de poste pour visiter la propriété et l’a trouvée tellement à son goût qu’il s’est immédiatement entendu avec Mr. Morris. Il doit s’y installer avant la Saint-Michel et plusieurs domestiques arrivent dès la fin de la semaine prochaine afin de mettre la maison en état.
– Comment s’appelle-t-il ?
– Bingley.
– Marié ou célibataire ?
– Oh ! mon ami, célibataire ! célibataire et très riche ! Quatre ou cinq mille livres de rente ! Quelle chance pour nos filles !
– Nos filles ? En quoi cela les touche-t-il ?
– Que vous êtes donc agaçant, mon ami ! Je pense, vous le devinez bien, qu’il pourrait être un parti pour l’une d’elles.
– Est-ce dans cette intention qu’il vient s’installer ici ?
– Dans cette intention ! Quelle plaisanterie ! Comment pouvez-vous parler ainsi ?... Tout de même, il n’y aurait rien d’invraisemblable à ce qu’il s’éprenne de l’une