L’œuvre se présente de manière directe et frontale, avec l’unicité d’un mur de peinture semblant impraticable. En effet, par les jeux conjugués d’une organisation formelle très dense et celui d’une palette chromatique très resserrée, l’œuvre offre un visage massif, d’une grande solidité, offrant peu d’ouvertures au regard pour s’y frayer un passage. Le format, proche du carré et les larges dimensions (200x178cm), sont assez inhabituels pour figurer une scène bucolique ou un portrait, même triple. Dans Trois femmes, même si les principes de la ressemblance au modèle semblent mis au second plan voire évacués, Picasso nous donne à voir trois nus féminins rapprochés, formant un groupe soudé dans un décor naturel suggéré sobrement. Les rares éléments appartenant à ce décor naturel, rejetés sur les extérieurs de la composition sont identifiables davantage par la gamme de couleurs à laquelle ils appartiennent que par leurs formes semblables à celles qui composent les corps eux-mêmes. Il n’en demeure pas moins que la reconnaissance du sujet et de son thème afférent est immédiate et cela en dépit de l’aspect formel et esthétique en marge des représentations d’usage pour un tel thème à la même époque.
En effet, des dernières décennies du XIX° au tournant du XX° siècle, les scènes de genre pastorales et bucoliques ont été remises au goût du jour par l’intermédiaire des variations opérées par Cézanne ou Renoir, renouant avec la tradition classique héritée des grands peintres vénitiens du XVI° siècle. Mais au-delà de ces œuvres plus ou moins concernées par l’impressionnisme, le thème du nu dans la nature ne constitue pas alors une innovation tant pour le genre que le sujet. Son format et son traitement, par contre oui. Son format, évitant tout regard intimiste porté sur la scène par la convocation immédiate du recul du spectateur cherchant à embrasser l’œuvre dans sa totalité, s’impose à la manière des Grandes