Pauline
« Tu le sais continua Alfred, et tous les hommes véritablement braves l’avoueront, les influences physiques ont un immense pouvoir pour les impressions de l’âme. Je venais d’échapper, la veille, à un orage terrible ; j’étais arrivé à moitié glacé au milieu de ruines inconnues ; je m’étais endormi d’un sommeil de fatigue, troublé bientôt par un bruit extraordinaire dans cette solitude ; enfin, à mon réveil, je me trouvais sur le théâtre même de ces vols et de ces assassinats qui, depuis deux mois, désolaient la Normandie ; je m’y trouvais seul, sans armes, et, comme je te le dis, dans une de ces dispositions d’esprit où les antécédents physique empêchent le moral engourdi de reprendre toute son énergie. Tu ne trouveras donc rien d’étonnant à ce que tous ces récits du coin du feu me revinssent en mémoire et à ce que je restasse immobile et debout contre mon pilier, au lieu de me recoucher et d’essayer de me rendormir. Au reste, ma conviction était si grande qu’un bruit humain m’avait réveillé, que, tout en interrogeant les ténèbres des corridors et l’espace plus éclairé du cimetière, mes yeux revenaient constamment se fixer sur cette porte enfoncée dans la muraille, où j’étais certain que quelqu’un était entré: vingt fois j’eus le désir d’aller écouter à cette porte si je n’entendrais pas quelque bruit qui pût éclaircir mes doutes ; mais il fallait, pour arriver jusqu’à elle, franchir un espace que les rayons de la lune éclairaient en plein. Or d’autres hommes pouvaient comme moi être cachés dans ce cloître, et n’échapper à mes regards que comme j’échappais aux leurs, c’est-à-dire en restant dans l’ombre et sans mouvement? Néanmoins, au bout d’un quart d’heure, tout ce désert était redevenu si calme et si silencieux, que je résolus de profiter du premier moment où un nuage obscurcirait la lune, pour franchir l’intervalle de quinze à vingt pas qui me séparait de cet enfoncement, et aller écouter à cette porte: ce moment ne se fit pas