Pensez-vous que les contraintes formelles puissent être pour le poète un obstacle à une expression libre et originale ?
Parler de l’art d’un écrivain, de littérature oblige immanquablement à réfléchir sur le travail, sur le style, sur les mots et les contraintes de la langue, particulièrement sensibles dans la poésie : versification, rimes, rythme, tout ce travail laborieux dont les mots sont la pâte, l’argile, et la raison l’ordonnatrice, et qui fait de la poésie « un art » - au sens latin du terme de « technique », « méthode » - est fréquemment opposé à l’inspiration et à la liberté poétique. L’histoire littéraire a été à plusieurs reprises secouée par les mouvements de protestation contre l’asservissement aux contraintes. Le peintre est borné par le cadre de son tableau, le sculpteur par son bloc de marbre, le danseur par les lois de la pesanteur qu’il se plaît à défier tout en y étant soumis. Qu’en est-il du poète, dont le matériau est la langue et les mots ? Peut-il trouver une stimulation féconde dans les contraintes formelles, atteindre la beauté à travers leur carcan même, Doit-il les refuser comme autant d’entraves à son inspiration ou à son génie ?
I les bienfaits de la contrainte
Très longtemps, la poésie s’est définie par le vers, symboles des contraintes formelles, comme ces « rigoureuses lois » du sonnet dont Boileau se fait l’écho dans son « Art poétique » : « deux quatrains de mesure pareille », « ensuite six vers, artistement rangés » doivent bannir toute « licence ». Le poète devait se soumettre à ce « dieu bizarre » qu’est Apollon, sans discuter. La Pléiade, Malherbe, le classicisme ou le Parnasse ont pris parti pour les règles formelles et exigent du poète qu’il s’y conforme. Ces contraintes sont-elles une entrave à la poésie et à la création ?
Jaillissement de l’esprit –souvent intuitif-, virtualités. Les contraintes fournissent un cadre (presque au sens pictural du mot), une forme, une structure.
A Les contraintes