Perdre sa vie à la gagner
Voici l’histoire d'un homme qui risque aujourd’hui de tout perdre. Le 25 juillet dernier, j’étais à Paris pour visiter le Palais de la Découverte. Je suis passée par l’avenue de la
Grande-Armée. Il y avait du bruit, de la fureur.
Devant le siège social de PSA, des manifestants criaient leurs revendications et leur colère. J’étais là, face à eux. Stupéfait. Etonné. J’en ai oublié ma sortie. Je me suis avancée. Un homme s'est approché de moi, s'est présenté. Il s’appelait Halim, il avait une trentaine d’années. Je me souviens encore de son regard et de ses premiers mots interrogateurs :
– « Mais... qu’est-ce que tu fais ici ? »,
– « Un membre de ta famille risque d'être licencié ? ».
Je lui ai répondu :
– « Non Monsieur, pas tout à fait. »
Au milieu du vacarme, nous nous sommes raconté nos vies.
Voici la sienne.
Halim a été embauché par PSA. Victime de cinq accidents du travail en onze ans. Souffrant maintenant d'une double hernie discale. On ne peut pas porter de lourdes pièces de carrosseries, pendant toute sa vie, sans en porter également les séquelles.
Et il m’a dit :
« PSA a accepté de me garder, mais qui va vouloir d'un ouvrier handicapé lorsque PSA me licenciera ? »
Car Halim le sait : il va être licencié, comme beaucoup d’autres. Le handicap sera double : à la fois physique et moral. Son corps n’oubliera jamais ces douze années de travail acharné et pénible. Un licenciement marqué à jamais dans sa chair... Dans son esprit aussi.
Car cet homme a une famille à charge, une épouse et trois enfants.
Comment vont-ils vivre après ce traumatisme ?
En quelque sorte, cette histoire, c’est aussi la mienne. Celle d'un adolescent qui a vu sa mère sans emploi pendant neuf mois.
Ma mère a travaillé pendant vingt ans dans une entreprise de prêt-à-porter lorsqu'elle a été victime d'un licenciement économique. Elle n'avait pas de qualification, mais à son époque, on pouvait gravir les échelons sans avoir fait de