Peut-on se payer du luxe dans un pays pauvre?
La Presse
Près d'un Indien sur trois vivait, en 2005, avec moins de 2$ par jour, souvent privé d'accès à l'eau potable et à l'électricité. Une situation à des années-lumière des conditions offertes dans les hôtels ultraluxueux situés parfois à quelques pas de chez eux... Peut-on vraiment se payer un 5 étoiles, au zénith du confort, dans un pays du tiers-monde ou en voie de développement? Réflexion sur une question hautement délicate, pour touristes avertis.
«De prime abord: oui, on peut se payer du luxe partout. Il n'y a aucune raison de dresser une liste de pays où l'on pourrait le faire et d'autres où l'on ne le pourrait pas, ce serait injuste», tranche Louis Jolin, directeur du département d'études urbaines et touristiques de l'UQAM. Après tout, d'un point de vue strictement économique, le tourisme peut représenter un levier de croissance extraordinaire pour les pays les plus pauvres. «Ils ont même encore plus de raisons que les autres de miser sur cette industrie, potentiellement hautement lucrative», note Dorothée Boccanfuso, professeure au département d'économie à l'Université de Sherbrooke.
Le hic, c'est qu'il est faux de conclure que plus un touriste dépense, plus la population s'enrichit, note Marie-France Turcotte, professeure au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l'UQAM. Au contraire, des études ont démontré que près de 90% des dépenses que font les touristes voyageant avec des forfaits de type tout-inclus, ou dans des établissements appartenant à des consortiums étrangers ne profitent pas à l'économie locale. La nourriture servie dans les restaurants est importée - tout comme les chefs cuisiniers - pour mieux répondre aux normes internationales qu'exigent les clients. Idem pour les meubles, les appareils électriques et les autres fournitures des hôtels. Bref, le bourlingueur à petit budget est souvent aussi rentable pour l'économie locale que le touriste qui dépense sans compter.