Pierre
DONE ELVIRE, DOM JUAN, SGANARELLE.
DOM JUAN: Madame, voilà Sganarelle qui sait pourquoi je suis parti.
SGANARELLE: Moi, Monsieur? Je n'en sais rien, s'il vous plaît.
DONE ELVIRE: Hé bien! Sganarelle, parlez. Il n'importe de quelle bouche j'entende ces raisons.
DOM JUAN, faisant signe d'approcher à Sganarelle: Allons, parle donc à Madame.
SGANARELLE: Que voulez-vous que je dise?
DONE ELVIRE: Approchez, puisqu'on le veut ainsi, et me dites un peu les causes d'un départ si prompt.
DOM JUAN: Tu ne répondras pas?
SGANARELLE: Je n'ai rien à répondre. Vous vous moquez de votre serviteur.
DOM JUAN: Veux-tu répondre, te dis-je?
SGANARELLE: Madame.
DONE ELVIRE: Quoi?
SGANARELLE, se retournant vers son maître: Monsieur.
DOM JUAN: Si...
SGANARELLE: Madame, les conquérants, Alexandre et les autres mondes sont causes de notre départ. Voilà, Monsieur, tout ce que je puis dire.
DONE ELVIRE: Vous plaît-il, Dom Juan, nous éclaircir ces beaux mystères?
DOM JUAN: Madame, à vous dire la vérité.
DONE ELVIRE: Ah! que vous savez mal vous défendre pour un homme de cœur, et qui doit être accoutumé à ces sortes de choses! J'ai pitié de vous voir la confusion que vous avez. Que ne vous armez-vous le front d'une noble effronterie? Que ne me jurez-vous que vous êtes toujours dans les mêmes sentiments pour moi, que vous m'aimez toujours avec une ardeur sans égale, et que rien n'est capable de vous détacher de moi que la mort? Que ne me dites-vous que des affaires de la dernière conséquence vous ont obligé à partir sans m'en donner avis; qu'il faut que, malgré vous, vous demeuriez ici quelque temps, et que je n'ai qu'à m'en retourner d'où je viens, assurée que vous suivrez mes pas le plus tôt qu'il vous sera possible; qu'il est certain que vous brûlez de me rejoindre, et qu'éloigné de moi, vous souffrez ce que souffre un corps qui est séparé de son âme? Voilà comme il faut vous défendre, et non pas être interdit comme vous êtes.
DOM JUAN: