Plus belle que les larmes
Aragon, Le Crève-Cœur, Les Yeux d’Elsa, « Plus belle que les larmes »
Il va de soi que les poèmes et les articles publiés dans les petites revues que sont Poésie 40, 41... de Seghers, Confluence de Tavernier, Fontaine de Fouchet, ou les Cahiers du Rhône de Béguin, sont surtout destinés aux happy few. La preuve, en tout cas, que ceux-là peuvent comprendre est donnée par un Drieu La Rochelle qui a choisi les Allemands et qui dénonce en 1941 « tous ces appels à demi-mot qu'Aragon répand dans les revues littéraires et poétiques cousues de fil rouge pour la résistance ». La réponse d'Aragon est le poème « Plus belle que les larmes ». L'insistance avec laquelle Aragon rappellera par la suite cet épisode, tient sans doute à ce que Drieu avait montré combien efficace pouvait être la « poésie de contrebande », dès lors qu'elle avait été publiquement dénoncée. Nous étudierons ici les six premiers quatrains de ce long poème. Il s’agira de voir en quoi peuvent se combiner Poésie et acte de Résistance.
Nous verrons dans une première partie la nature particulière de la poésie de guerre ; puis, dans une seconde partie le rôle du poète selon Aragon dans le contexte de la Résistance.
I La poésie de guerre : l’ode épique
A/ Isotopie de la guerre
Les termes référant à la guerre sont légion dans ces six premiers quatrains. Tout d’abord des termes renvoyant à l’armée : les « cuivres » qui sont ceux des militaires en bataille ; le « carabin » qui désigne à l’origine le soldat portant une carabine, puis ensuite l’étudiant en médecine engagé dans l’armée. Le contexte militaire est dressé. On trouve ensuite des termes qui renvoient plus précisément au contexte de la Seconde Guerre mondiale qui est évoqué dans ce poème : « l’écho des chars », « Dunkerque », « le faro du Nord », « le Pont-Neuf et le Louvre ».
B/ La poésie de Résistance : une réponse à Drieu la Rochelle
Voir l’action de résistance développée dans ces vers : au premier quatrain, le poète semble gêner, sa