« Devoir de mémoire », « lieux de mémoire », « lois mémorielles », « commémorations » sont autant de termes présents dans la vie sociale et qui montrent à quel point les sociétés modernes craignent, aujourd'hui, de perdre leur passé plus que d'être submergées par lui. Tout d'abord, il faut nous interroger sur ce que recouvre la notion de mémoire. Elle englobe des réalités très variées comme la commémoration, l'usage stratégique du passé, les monuments, les archives et musées, les conflits d’interprétations mais aussi les occultations, les oublis, les blessures et les expériences de chacun. Cette notion polysémique regroupe donc les usages faits du passé aussi bien que la façon dont il s'exprime dans le champ social. Ainsi, la mémoire est-elle vérité du passé comme le laisse penser les discours commémoratifs ou bien un « usage fluctuant du passé selon les interrogations du présent » comme la définit l'historien Pierre Laborie?
La mémoire collective est une des constituantes de la notion de mémoire qui commence à être étudiée dans les années 1970; elle se réfère plus aux représentations partagées par un groupe qu'aux usages politiques et institutionnels du passé. La mémoire collective peut être définie, selon Marie-Claire Lavabre, comme une interaction entre les politiques de la mémoire ou la "mémoire historique ", et la" mémoire commune", ce qui a été vécu en commun. En 1978, P.Nora définit, quant à lui, la mémoire collective comme « le souvenir ou l’ensemble de souvenirs, conscients ou non, d’une expérience vécue et/ou mythifiée par une collectivité vivante de l’identité de laquelle le passé fait partie intégrante ». Elle se constitue par une homogénéisation de souvenirs multiples et divers pour parvenir à une représentation commune de l'Histoire. Comment passe-t-on de souvenirs individuels multiples à une mémoire collective unifiée ? Comment celle-ci influe, en même temps, sur les représentations individuelles ? Le passé fait l’objet d’un usage et d’une