Ponge bougie
Introduction Ponge nous plonge dans une exploration du langage autour de représentations qui convoquent tous les sens. Ou plutôt dans la description d’un objet d’une banalité déconcertante, dont il va bien vite s’écarter. Car ce poème en prose est une symphonie de perceptions, de mouvements et sensations, d’images. La réalité entraperçue à la lueur d’une bougie, c’est un autre monde, celui de la littérature. Dans un premier temps, nous étudierons le caractère inaccoutumé de cette description, puis nous nous intéresserons à la représentation allégorique, qui déborde largement ce cadre.
I. Une description plutôt insolite. Comment dire la réalité. Même la plus dérisoire ? Comment décrire l’accessoire, même le plus commun ? La manière d’écrire de Ponge est, comme nous allons le voir, pour le moins insolite, inattendue, et en même temps pleine d’allusions et de traits d’humour. A. Un objet : une fière allure ou un semblant de tenue ? Techniquement, une bougie est constituée d’un cylindre formé par une matière combustible dont le point de fusion est peu élevé et qui brûle grâce à une mèche de coton , tressée et noyée dans la masse cireuse. Au second alinéa de son poème en prose, l’auteur assimile par métaphore ce cylindre à une « colonnette d’albâtre » prolongée par « un pédoncule très noir ». Grâce à une métaphore botanique, la mèche de coton ou de chanvre, est assimilée à un « pédoncule », c’est-à-dire à un cordon, à la tige floconneuse d’une fleur ou d’un arbre portant le fruit. Le poète farceur file la métaphore : en effet, dès l’entame du poème, le thème de la bougie est annoncé par une métaphore végétale (« La nuit parfois ravive une plante singulière dont la lueur décompose les chambres meublées en massifs d’ombres »). Il est vrai que la silhouette d’une bougie présente la même allure générale qu’une bouture végétale : une plante verte est constituée d’une tige coiffée,