Pourquoi écrire ?
Sartre commence par remonter à l’origine de l’écriture. « Un des principaux motifs de la création artistique est certainement le besoin de nous sentir essentiels par rapport au monde » explique l’écrivain. On peut prendre pour exemple une situation toute simple : un homme regarde un paysage. Par ce geste, il le « dévoile » et il s’établit une relation qui n’existerait pas si l’homme n’était pas là. Mais l’homme est en même temps profondément conscient du fait qu’il est inessentiel par rapport à cette chose dévoilée. Il ne fait que la percevoir sans prendre part au processus de création.
L’homme est aussi capable de créer. Mais alors, il va perdre cette fonction de « révélateur ». L’objet produit répond à des règles que lui-même a mises en place et est par là entièrement subjective ; il sera par exemple impossible à l’écrivain de lire ce qu’il a écrit avec un regard extérieur. La situation est inversée par rapport à celle que nous avions avec le paysage : le créateur devient essentiel car sans lui, l’objet n’existerait pas, mais ce dernier est maintenant inessentiel. Nous avons certes gagné la création, qui n’était pas présente lors de la contemplation d’un paysage, mais nous avons perdu la perception.
La clé du problème se trouve dans la lecture, laquelle va réaliser la synthèse entre perception et création. Pour que l’objet littéraire surgisse dans toute sa puissance, il faut qu’il soit lu : « c'est l'effort conjugué de l'auteur et du lecteur qui fera surgir cet objet concret et imaginaire qu'est l'ouvrage de l'esprit. Il n'y a d'art que pour et par autrui » . Dans la lecture, l’objet est essentiel car il impose ses structures propres, tout comme le faisait le paysage, et le sujet est essentiel car il est requis non