Primo levi
« Le système concentrationnaire nazi demeure une chose unique, tant par les dimensions que par la qualité. Dans aucun autre lieu ni temps on n’a assisté à un phénomène aussi soudain et aussi complexe : jamais autant de vies humaines n’ont été éteintes en si peu de temps, et avec une combinaison pareillement lucide d’intelligence technique, de fanatisme et de cruauté. »1
Or, les nazis déclaraient cyniquement à leurs victimes que, si par miracle ils en réchappaient, le monde ne les croirait pas. Pourtant, un certain nombre de détenus trouvent la force de survivre pour témoigner, plus tard, de ce qu’ils ont vécu, et de résister ainsi au
« naufrage spirituel ».
Comment un livre peut-il rendre la parole à l’indicible ?
Tel est le projet de l’écrivain, qui peut ouvrir quatre perspectives d’étude littéraire :
1- Le récit comme témoignage
Le récit, dans la préface, se place dans l’authenticité autobiographique (p.7-8). En effet, il s’agit moins de révéler « ce que les lecteurs du monde entier savent déjà » sur le
Lager que de répondre à l’exigence de fidélité et de sincérité ; non seulement les événements ont été réellement vécus, mais ils l’ont été de l’intérieur du camp, et se donnent comme tels au lecteur ; Levi ne quitte jamais son poste d’observateur de détenu, et lorsqu’il le fait, la désignation du je narrant, du je de l’énonciation, ne s’accompagne d’aucune ambiguïté. Ce procédé narratif, qui accorde toute son importance au témoignage strictement personnel, digne de foi, et à l’adhésion instantanée du lecteur, aux dépens d’une vérité complexe, multiforme, qui serait celle de l’historien des Lagers 2, est à rapprocher de la notion d’authenticité telle que la définit Philippe Lejeune dans la