Prologue de "condition de l'homme moderne"
Règles pour le parc pensant et agissant
Dans le prologue de Condition de l'homme moderne1, H. Arendt part d'un fait de civilisation concret, le lancement d'un satellite autour de la Terre. C'était en 1957. Cinquante ans plus tard les progrès technico-scientifiques sont autrement plus radicaux. De nos jours, ce sont des penseurs comme P. Sloterdijk qui posent la question de la limite de l'agir humain, et des conséquences qu'ont les réalisations techniques sur l'idée même d'humanité. "L'humanité pourra-t-elle accomplir, dans toute son espèce, un passage du fatalisme des naissances à la naissance optionnelle et à la sélection prénatale? Ce sont des questions dans lesquelles l'horizon de l'évolution commence à s'éclaircir devant nous, même si c'est d'une manière floue et inquiétante2". Au-delà de l'aspect volontairement provoquant du titre, Règles pour le parc humain est l'exemple même de ces nouvelles interrogations que l'on ne peut ignorer.
Pour H. Arendt nous n'avons pas compris ni même aperçu l'importance politique de la science. En effet celle-ci développe un langage qui lui est propre et qui s'autonomise du langage commun. La technologie occupe de plus en plus de place dans le monde quotidien, et pourtant il peut arriver un moment où nous ne serons "plus jamais capables de comprendre, c'est-à-dire de penser et d'exprimer les choses que nous sommes cependant capables de faire3". La conséquence serait que l'homme n'est plus l'acteur mais l'agent, voire le rouage, d'un processus qu'il a institué mais qu'il ne pourrait plus contrôler car il serait devenu incapable de le penser.
C'est pourquoi nous nous devons de pénétrer à nouveau la philosophie ambiante, comme l'a fait H. Arendt il y a cinquante ans, afin de l'expliquer, permettant ainsi de concevoir ce qui s'actualise sans être correctement appréhendé. La structure cumulative du développement de la technique est telle qu'aujourd'hui l'homme est en mesure, ou presque, de se créer comme il