Puis me connaitre moi même ?
Immédiatement, une telle connaissance ne semble pas problématique : s’il est une chose, en effet, qui peut m’apparaître comme des plus familières, c’est bien moi-même. Dans la mesure où j’ai conscience de moi-même et où cette conscience accompagne les moindres faits de mon existence, il n’y a rien de plus évident que cette claire présence de soi à soi. En ce sens, l’objet d’une telle connaissance est sans mystère car sans distance. Ainsi, ce qui nous apparaît d’emblée difficile à connaître, ce n’est pas le Moi mais le non-Moi : ce qui est autre se dérobe à la connaissance tandis que le moindre de mes actes me rappelle sans cesse à moi-même. Pourquoi, dans sa sagesse proverbiale, l’oracle de Delphes énonça-t-il sous une forme impérative une connaissance dont l’acquisition semble si aisée ? " Connais-toi toi-même " est une exhortation peu farouche et une règle à laquelle nul ne dérogera, si l’être conscient est bien l’être qui, étant, se sait être.
Toutefois, peut-on ainsi confondre la conscience que nous avons de nous-mêmes avec une connaissance de soi ? La première n’enveloppe pas nécessairement la seconde : savoir que je suis ne me dit pas encore qui je suis ou ce que je suis. S’il suffisait pour connaître un objet d’en avoir conscience et si la connaissance que j’en ai était d’autant plus grande que cette conscience est vive, connaître serait un jeu d’enfant et tout objet serait connu à mesure qu’il est perçu. Or, si la conscience de soi n’apparaît pas ainsi comme une condition suffisante de la connaissance de soi, on peut alors se demander en quelle mesure une telle connaissance est possible. Si la conscience de soi peut apparaître comme la condition de possibilité de toute connaissance, n’est-elle pas en même temps ce qui rend impossible toute connaissance de soi ? Le sujet qui cherche à se connaître peut-il, en effet, s’atteindre autrement que comme objet d’une telle connaissance ? Mais, devenant pour