uels effets sur les rapports humains peut avoir la prolifération actuelle des moyens de communication auxquels les technologies sans fil confèrent une puissance accrue ? − Pierre Lévy. La première conséquence souvent attribuée à ce phénomène, c'est la substitution éventuelle de la rencontre physique par les télécommunications. Je pense qu'il s'agit d'un fantasme exploité par une idéologie technophobe selon laquelle nous risquons de perdre notre corps. Le vrai monde serait en train de disparaître. Or, depuis un siècle, alors que les moyens de communication ont constamment progressé, on constate que les moyens de transport n'ont cessé de se développer et d'être de plus en plus utilisés. La corrélation est très forte : plus on télécommunique, plus on se déplace physiquement. Il n'y a donc pas substitution mais, au contraire, entraînement mutuel. La véritable dynamique n'est pas dans le déplacement du réel par le virtuel, mais dans l'augmentation générale de tous types de contacts, d'interactions, de connexions... Par ailleurs, des études ont établi que les gens qui utilisent le plus le téléphone sont ceux qui rencontrent le plus d'autres personnes physiquement. On trouve d'un côté, l'homme d'affaires ou le chercheur, qui travaillent de manière coopérative, utilisent Internet et le téléphone portable et font de multiples rencontres. De l'autre, la personne âgée, dont le téléphone ne sonne jamais, attend désespérément que ses petits-enfants l'appellent et ne rencontre que les commerçants du quartier. Pour moi, le téléphone sans fil illustre parfaitement ce phénomène. Non seulement on voyage mais, en plus, on télécommunique. C'est la matérialisation du fait qu'il n'y a pas d'opposition entre les télécommunications et la communication réelle. − Jean-Pierre Balpe. Il n'est pas évident que l'instantanéité favorise l'intelligence. Lorsque les communautés intellectuelles réagissent en temps réel, elle ne prennent plus aucun recul et se privent ainsi d'une maturation