question de corpus
L’art de la comédie à l’âge du postdramatique
Le théâtre de Yasmina Reza
Assez longtemps la critique théâtrale aussi bien que la critique universitaire se sont montrées réticentes face au théâtre de Yasmina Reza.1 En 1999, cinq ans après le succès mondial de „Art“, Marc Weitzmann, dans Les Inrockuptibles, devait constater: „Yasmina Reza reste en France isolée, voire ignorée de la presse culturelle“.2 Et encore en 2005, le même critique, cette fois-ci dans Le Monde, a observé à propos des pièces créées après „Art“: „Ses pièces suivantes, Trois versions de la vie, et, surtout, Une pièce espagnole seront, si l’on peut dire, passés à tabac dans la presse française.“3 Et cela bien que, auprès du public, le succès du théâtre de Reza soit énorme. Traduite en 35 langues, son œuvre dramatique a obtenu de nombreux prix en France et à l’étranger et est montée par des metteurs en scène reconnus, tels que Luc Bondy qui a mis en scène Trois versions de la vie au Burgtheater de Vienne ou Jürgen Gosch qui a récemment remporté un vif succès avec Le dieu du carnage (all. Der Gott des Gemetzels) au Schauspielhaus Zürich.4
A première vue, le jugement de la critique universitaire n’est guère plus favorable que celui de la critique théâtrale. Yasmina Reza y est considérée comme une auteur habile du théâtre commercial qui sait répondre aux attentes d’un public bourgeois qui a en horreur les recherches d’avant-garde. Ainsi, David Bradby, dans son ouvrage récent Le théâtre en France de 1968 à 2000, range Reza parmi les auteurs „qui prennent la relève de l’ancien boulevard, fournissant des textes intelligents mais sans recherche aucune, dans lesquels un public bourgeois aisé peut se reconnaître; pour ceux qui, comme Yasmina Reza […] sont en mesure de fournir de tels textes les récompenses sont de taille“.5 Au fur et à mesure qu’une lecture attentive des textes mêmes progresse, le jugement sur la forme – mais aussi sur le contenu – du théâtre de Reza est