S'il m'est possible de savoir qui je suis, au sens de m'avoir à l'esprit comme objet de pensée, peut­être m'est­il plus dure de me connaître, c'est du moins ce que le sujet laisse sous­entendre lorsqu'il nous propose le défi de l'exactitude. En effet, je peux savoir qui je suis, soit me prendre moi­même comme objet de pensée. Mais il m'est plus difficile, voire impossible, de me saisir dans ma nature­même, mon essence­même, de me saisir moi avec toute mes propriétés. Le fait que je sois sans cesse présent à moi­même, que j'ai une sorte de sentiment immédiat d'être moi­même (je sais que c'est moi qui lit ces lignes, qu'il s'agit toujours de moi à chaque instant qui marche dans la rue et regarde les corbeaux crier dans le ciel...) est une chose. Naturellement, il y a un savoir de moi­même qui m'accompagne, qui me fait savoir qui je suis. Cependant, il y a un écart évident entre savoir qui je suis, et me connaître. La question restant de savoir ce qui fait obstacle à cette connaissance. Dans un premier temps, cette proximité de soi à soi présente dans le sentiment d'être soi semble être en quelque sorte à double tranchant. D'une part, être le plus proche peut être un atout m'assurant une perspective privilégiée: qui d'autre que moi saurait mieux qui je suis ? Je me vis de l'intérieur pour ainsi dire. D'autre part, être aussi proche, être moi précisément, me laisse dans une position peu confortable: il me faudrait être à la fois sujet connaissant et objet connu. Mieux, me poser comme objet, n'est­ce pas nier tout à la fois ma liberté fondamentale? En effet, ne puis­je pas précisément toujours autre de fait? Vouloir me capturer, ce serait vouloir saisir ce qui par essence précisément ne se saisit pas: n'y a­t­il pas une distance infinie entre le portrait figé et la réalité du visage de chaque instant? De ce fait, la connaissance de soi ne poserait­elle pas une double difficulté en voulant faire du sujet un objet tout en risquant le