Relation entre geostrategie et geopolitique
Paul CLAVAL
Apparue au début du siècle, la géographie politique a connu un développement rapide jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, puis a pratiquement disparu dans les milieux universitaires en Europe occidentale. Elle n’était plus guère pratiquée qu’aux Etats-Unis, où la place qu’elle tenait était médiocre. Cette défaveur tenait au nouvel équilibre mondial, marqué par la prépondérance de deux superpuissances et par les équilibres de dissuasion liés à l’arme nucléaire qui semblaient rendre caduques les formes plus traditionnelles de conflit. Mais l’effacement de la géographie politique venait aussi des outrances de la géopolitique, disparue avec le nazisme avec lequel elle s’était compromise. Seuls les régimes d’extrêmedroite d’Amérique latine osaient encore se réclamer d’enseignements condamnés partout ailleurs. La stratégie intéressait les militaires et les hommes d’Etat, qui essayaient de comprendre les nouvelles conditions de la vie internationale, de mesurer les risques qui lui étaient inhérents, et de choisir la meilleure voie pour assurer la sécurité de leur pays. Le grand public ignorait ces spéculations. Les conditions ont complètement changé depuis quinze ans. Le terme de géopolitique a refait surface, relancé en France par Marie-France Garraud et par Yves Lacoste. Dans le même mouvement, la réflexion stratégique s’élargissait. On s’est mis à opposer la grande stratégie, celle des politiques, à la stratégie des généraux ou des amiraux. D’autres préfèrent parler de géostratégie pour désigner le niveau supérieur. On dispose donc aujourd’hui de trois termes pour désigner l’ensemble des aspects spatiaux des faits politiques. La
géographie politique attire de plus en plus les étudiants. La géopolitique moderne n’évoque plus les errements de certains collègues allemands. La stratégie est à ce point populaire que nombreux sont les libraires qui lui consacrent aujourd’hui