Au début de La pensée sauvage, Claude Lévi-Strauss se positionne dans un débat qui a accompagné l'étude des religions au xxe siècle et qui se poursuit aujourd'hui56. La question est de savoir si les catégories, c'est-à-dire les mots, que nous employons pour parler de ce que nous étudions, son propres à notre culture ou nous permettent de désigner des réalités universelles ? Pour la religion cette question revient à se demander si elle ne serait pas une idée purement occidentale, auquel cas il serait vain de vouloir l'étudier dans d'autres civilisations, ou bien si finalement, malgré les particularismes culturels qui rendent difficiles les communications et les passages d'une culture à l'autre il est légitime de parler de religion au singulier, comme de quelque chose d'universel. Les positions sont extrêmement divergentes sur cette question, pour certains auteurs tels que Daniel Dubuisson l'idée de religion est un concept théologique propre à l'Occident23, pour Jean Grondin la religion est universelle57.
Claude Lévi-Strauss reste sans doutes celui qui a poussé le plus loin l'idée d'une relativité culturelle. Cette relativité est analogue à celle de la théorie de la relativité en cosmologie. Il affirme ainsi que des phénomènes ont lieu selon les mêmes lois partout dans l'univers, mais que pour les comprendre il faut tenir compte du contexte. Dans le langage de Claude Lévi-Strauss cela revient à dire que les mêmes structures régissent et peuvent se reconnaitre dans toutes les civilisations, tandis que les différences que nous percevons sont liées au fait que chaque civilisation propose un découpage des savoirs et concentre son attention sur ce qui lui parait le plus utile, en fonction des conditions historiques dans lesquels elles se développent. Cette concentration sur ce qui est le plus utile a pour conséquence que les cultures rendent capables ou non de voir certaines choses. Or chacun estime que ce qu'il voit et ce qu'il est capable de désigner est le plus