René descartes lettre a chanut explication
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Ce passage de la lettre à Chanut mieux que « du bon usage de nos inclinations secrètes », car ce ne sont pas celles-ci qui sont cachées, pourrait s’intituler : « du rôle que nous pouvons légitimement accorder aux motivations secrètes de nos inclinations ». Nos affections sont en effet motivées, pour une part, par des causes qui échappent à notre connaissance. Nous croyons aimer une personne pour ses mérites ; il se peut cependant que ce soit pour une tout autre cause, inconnue de notre conscience, et qui n’est pas nécessairement un mérite. Nos sentiments ne sont pas fondés sur de justes raisons ; ils peuvent être profondément injustes. Faut-il aimer les personnes vers lesquelles nous portent spontanément nos inclinations ? Il y a là un problème moral, surtout si l’on pense que nous avons aussi des répulsions. Aussi serons-nous prudents et honnêtes en recherchant les causes de nos affections afin de nous défaire éventuellement de celles qui sont mal fondées. Cependant cela ne veut pas dire pour autant que les motivations secrètes de nos inclinations n’ont aucun rôle légitime à jouer dans nos affections. Car les gens qu’il est juste d’estimer sont nombreux, et nous ne pouvons entretenir de relation personnelle avec tous. C’est pourquoi parmi eux nous aimerons ceux vers lesquels nous pousse quelque secrète motivation, d’autant plus justement qu’elle est fondée sur les qualités de l’esprit et, par suite, réciproque.
Descartes part d’un exemple personnel, ou censé tel. Il rapporte comment il s’est débarrassé d’une inclination, qui était si mal fondée qu’elle le portait irrésistiblement vers un défaut. Le ressort en était une association d’idées et il lui a suffi de la découvrir pour la désamorcer. Il a longtemps préféré aux autres les femmes affectées d’un strabisme convergent. Si étrange que pût paraître cette élection, d’une part il ne pouvait s’en défaire, de l’autre il n’en savait pas la raison. Mais c’est justement ceci qui était cause de cela. Cette