Repenser Les Notions Antagonistes Trum
CAMUS, L'Etranger : le meurtre de l'Arabe. Né à Alger en 1913, dans un milieu modeste, et orphelin de père, Albert Camus connaît la pauvreté, la maladie (tuberculose) et enfin la guerre, en 1939. S'il n'a pas pris part à celle-ci en tant que combattant, son métier de journaliste et son départ pour la métropole lui ont permis d'y participer indirectement. Les prises de conscience induites par ces expériences douloureuses l'amènent à attacher son nom à une doctrine personnelle : la philosophie de l'absurde, qu'il définit dans Le Mythe de Sisyphe en 1942.
Dans ce passage, extrait de L'Etranger (1942), le personnage-narrateur Meursault est retourné seul sur la plage après une altercation opposant son ami Raymond et deux Arabes. L'un d'eux est le frère de l'ancienne femme de Raymond. Le narrateur a sur lui le révolver de son ami : il l'avait forcé à le lui remettre pour éviter tout débordement. Il rencontre par hasard l'un des deux Arabes. Il s’agit du moment fort de ce récit dont l’une des problématiques sous-jacentes est celle de la responsabilité face au crime. Or, ne peut-on pas voir dans cette scène, où s’accumulent les symboles (comme nous le verrons), une tentative de repenser les notions antagonistes de victime et de coupable ?
Nous verrons dans un premier temps en quoi cette scène, par son symbolisme tragique, se détache de tout ce qui la précède, puis, dans un second temps, nous nous interrogerons sur la responsabilité de Meursault, face à ce crime.
I - Une scène tragique
A – un personnage dépassé par le fatum
Scène tragique : dès la première phrase :
Tragique : survient quand un personnage est soumis à une force supérieure, insurmontable, le destin (fatum en latin) qui le pousse à accomplir son destin malheureux.
Or : « J’ai pensé que je n’avais qu’un demi-tour à faire et ce serait fini. Mais toute la plage vibrante se pressait derrière moi ». (l.1-3). ð Meursault est réduit à un jouet, le