Rhétorique
L’histoire de la rhétorique, qui finit par se figer en un dogmatisme qui se condamne lui-même à la répétition, est alors celle d’un renversement du pour au contre : née de l’exercice de la liberté politique dans la cité athénienne, elle devient un code des convenances et des bienséances et, sous la forme de la rhétorique panégyrique ou épidictique (rhétorique d’apparat), un exercice de virtuosité gratuite ou de basse flagornerie exécuté pour l’unique bon plaisir du prince. C’est là sans doute la conséquence du conformisme latent, dénoncé par Platon, qui conduit le sophiste à aliéner la vérité au vraisemblable et la science à l’opinion. Mais c’est encore un effet de l’histoire des institutions : l’art oratoire paraît dans toute sa majesté dans l’Athènes démocratique du Ve siècle, et renaît avec Démosthène au IVe siècle pour la défense ultime et désespérée des cités grecques tombées sous le joug macédonien. L’éloquence délibérative était encore grande aux temps de la république romaine, et les tribuns du peuple, à commencer par les Gracques, étaient d’abord de superbes orateurs. En revanche, cette même éloquence pâlit sous l’empire, quand la pax romana mit un terme à la violence des conflits et des harangues. Tacite, alors jeune orateur (il a alors 27 ans) compose en 75 un Dialogue des orateurs, dans lequel il médite sur l’histoire des lettres et le destin de la rhétorique. La première partie oppose l’idéal de l’orateur du temps, non plus tribun politique mais avocat riche et fameux par sa défense de causes célèbres (Aper), engagé dans les affaires et la vie politique, et l’idéal du poète (Maternus) qui se détourne de la vie publique et du chemin des honneurs pour se perdre dans « les bocages et dans les bois », « dans des lieux purs et innocents où l’âme se retire et goûte la jouissance d’un séjour sacré » (XII) ; la seconde et dernière partie porte sur la supériorité des Modernes sur les