Rimbaud Le Mal explication de texte
1Tandis que les crachats rouges de la mitraille
2Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu;
3Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
4Croulent les bataillons en masse dans le feu ;
5Tandis qu'une folie épouvantable broie
6Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant ;
7- Pauvres morts ! dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie,
8Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !… –
9Il est un Dieu qui rit aux nappes damassées
10Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or;
11Qui dans le bercement des hosannah s'endort,
12Et se réveille, quand des mères, ramassées
13Dans l'angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
14Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !
Rimbaud, Poésies, 1870
Le poème Le Mal est écrit par Rimbaud en 1870, moment où les guerres franco-prussiennes éclatent tout près de Charleville, lieu de résidence du jeune poète. En effet, âgé tout juste de 16 ans, Rimbaud choisit de nous dévoiler son indignation et sa révolte face à ces scènes choquantes marquées par le sang et la mort. Il faut donc comprendre le titre Le Mal comme l’allégorie de la guerre et des conséquences désastreuses qu’elle produit sur les soldats et les familles endeuillées.
Ce sonnet en alexandrins présente deux blocs syntaxiques, l’un commençant par une subordonnée circonstancielle de temps introduite par « tandis que » qui occupe les deux quatrains et l’autre qui présente dans le premier tercet la proposition principale « Il est un Dieu ». Ces deux blocs grammaticaux mettent en valeur la double condamnation de Rimbaud face aux guerres orchestrées par le pouvoir politique et face au clergé qui ne réagit pas et ne pense qu’à s’enrichir.
Notre projet de lecture permettra de montrer comment l’indignation de l’adolescent articule l’émotion de révolte par l’actualisation violente de la guerre, par l’argumentation et par une condamnation sévère du cadre politique et religieux qui l’autorise.
Le vers 1 est introduit par la subordonnée