Rimbaud
Ce qu'on dit au Poète à propos de fleurs nous est connu par un manuscrit unique : une lettre à Théodore de Banville. L'envoi est signé sans ambiguïté par Rimbaud, dont les initiales A.R. apparaissent à deux reprises, à la fin du poème et à la fin de la lettre. Mais l'expéditeur a fait précéder son monogramme du nom d'Alcide Bava, patronyme issu d'une famille peu recommandable : baver, bavasser... ! Il nous propose donc, selon toute apparence, un principe de lecture différent de celui qui prévaut dans la poésie lyrique, où la voix entendue est assignée par convention au poète, auteur du texte. Ici, au contraire, Rimbaud nous demande de considérer ce personnage inventé d'Alcide Bava comme celui qui parle dans le texte. Au lecteur de se demander quel type de relation entretient l'auteur réel avec cet auteur fictif : identité de vues ou opinions discordantes, et dans quelle mesure ? Ce qui ajoute à l'attrait proprement poétique le piment de la devinette.
Un réquisitoire contre une poétique périmée
On a défini à juste titre Ce qu'on dit au Poète à propos de fleurs comme une sorte d'Art poétique. Dans la première partie (sections I, II, III), Alcide Bava dresse un réquisitoire contre une poétique périmée. Il exprime sa lassitude à l'égard d'un lyrisme floral utilisant "toujours" (l'adverbe est répété cinq fois : v.1, 16, 17, 37, 41) les mêmes images : les roses pleuvant en neige, v.29 ; la blancheur des lys, v.13-16 ; les Açokas et autres fleurs exotiques, v.45 ; etc. Comme Rimbaud dans la lettre à Demeny du 15 mai 1871, mais sans les nommer, en se contentant de les dénoncer au lecteur par le jeu des allusions impertinentes, de la parodie, de la dérision scatologique (v. 39-40, 48, 79, 96), il fait le procès des "premiers romantiques" (Lamartine, par exemple, aux v.1, 96) et même des "seconds" (Leconte de Lisle, et surtout Banville).
Mais si Rimbaud et Bava ne font qu'un, on s'en doute, lorsqu'il s'agit de porter la critique contre