Thème 1 : Risque et Progrès CORPUS 1 Document 1: Jean-Marc Qu'est-ce qu'on risque? Jadis, l'humanité était collectivement soumise à des aléas redoutables et peu nombreux: prédateurs, maladies, famines, catastrophes climatiques - les quatre cavaliers de l'Apocalypse. Aujourd'hui, chaque individu fait face à des périls multiples, mais dont chacun en définitive est statistiquement peu probable: accidents de voiture, cancer du fumeur, sida, maladies professionnelles, pollutions graves. Et là où nos ancêtres n'en pouvaient mais et devaient subir passivement les coups d'un sort extérieur et indifférent, ce sont aujourd'hui nos propres comportements qui engendrent la plupart des menaces qui pèsent sur nous. Ainsi sommes-nous passés de la crainte d'un petit nombre de dangers extérieurs presque inévitables à l'appréhension de ceux, innombrables mais incertains, dont nous sommes responsables. On n'a sans doute pas pris la pleine mesure de la mutation anthropologique ainsi à l'œuvre, ni de notre impuissance encore à lui faire face, faute de représentations adaptées. CeI1~â, de subtiles études sociotechniques se sont développées et font émerger une nouvelle discipline qui s'est même trouvé un nom la « cyndinique » (du grec kundinos, « danger »). Mais nos mythes, nos valeurs, nos réactions sont encore tributaires de la situation archaïque pourtant largement dépassée. Le montre la terminologie communément employée: nous parlons désormais des risques (industriels, technologiques, etc.,) avec une connotation de soumission négative et passive, alors que la notion de risque, récemment encore, était celle d'un danger assumé et souvent volontairement encouru - le risque affronté par l'explorateur, l'aventurier, le héros. Le comble du paradoxe est atteint quand ce vocabulaire est étendu aux événements incertains peut-être mais inéluctables, comme les séismes, les inondations, les cyclones. Parler à leur propos de "risques naturels" a sans doute un effet en retour pervers qui nous fait