Ronsard
Je n’ai plus que les os, un squelette je semble,
Décharné, dénervé, démusclé, dépoulpé[1]
Que le trait[2] de la mort sans pardon a frappé ;
Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble.
Apollon et son fils[3], deux grands maîtres ensemble,
Ne me sauraient guérir, leur métier m’a trompé.
Adieu, plaisant soleil ! Mon œil est étoupé[4],
Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble.
Quel ami, me voyant en ce point dépouillé,
Ne remporte au logis un œil triste et mouillé,
Me consolant au lit et me baisant la face, Ronsard (1524-1585)
En essuyant mes yeux par la mort endormis ?
Adieu, chers compagnons ! Adieu, mes chers amis !
Je m’en vais le premier vous préparer la place. Pierre de Ronsard, Derniers vers ( 1586).
AXES DE LECTURE
I- Le dépérissement
La mort constitue l’un des thèmes les plus récurrents de la poésie lyrique. Dans ces « derniers vers » qui composent sonnet, Ronsard décrit la déchéance progressive qui affaiblit le corps avant le trépas. Dans les quatrains, le poète insiste sur la dégradation du corps rongé par la maladie. Le dépérisse- ment physique est mis en valeur par une image redondante au début( je n’ai plus que les os, un squelette je semble), puis par une accumulation ( gradation ascendante) de participes à valeur adjectivale commençant tous par le même préfixe qui accentue le déclin de la santé du poète (décharné, dénervé, démusclé, dépoulpé). Cet état d’affaiblissement qu’aucune médecine ne peut guérir désespère le moribond qui se prépare à rejoindre ce monde où « out se désassemble ».(v 8)
II- La consolation
La présence des amis et des proches auprès du malade le console énormément. La mort devient ainsi l’occasion des épanchements sincères où les liens sociaux se resserrent plus que jamais entre