Réponse de madame de francueil à la lettre de jean-jacques rousseau du 20 avril 1751
À Paris, le 28 avril 1751. Monsieur, j’ai bien reçu votre réponse à ma précédente lettre et sachez qu’elle ne m’a pas laissé de marbre. Votre situation m’attriste au plus haut point et je vous souhaite de vous remettre un jour de votre maladie. Vous séparer de vos enfants semble, dans vos mots, être une solution qui s’impose ; toutefois, monsieur, sachez que nombre de familles vivent dans des situations similaires à la votre et n’abandonnent pas pour autant leurs enfants dans des accueils pour enfants trouvés. Certains même, vivent dans des conditions bien plus dures ; je l’ai compris en parlant de votre situation à madame de Merson qui m’a garanti qu’il y en avait beaucoup et qu’ils ne parvenaient à survivre que parce que le père s’engageait auprès des paysans pour travailler plus et parvenir à assumer toutes les dépenses du foyer. J’ai également cru comprendre que vous chérissiez ce métier, qui donne une vie saine, laborieuse et innocente, il vous aurait donc été aisé de faire de même. Ensuite, j’aimerais que vous compreniez ce qu’implique cette liberté que vous vous êtes donné de placer vos fils et filles aux Enfants-Trouvés, chaque place est compté dans cette institution tant son coût est élevé et ce sont tant de places prises par vos enfants qui sont retirés à des enfants trouvés dans la rue, ceux pour lesquels cet organisme a été fondé. Cinq places, monsieur, c’est cinq enfants dans la rue que nous ne pouvons accueillir et qui vont vraiment vivre dans la misère et la faim la plus totale, ce qui n’aurait pas été le cas si vous aviez gardé vos enfants à vos côtés. Vous comprenez donc pourquoi je suis compatissante de votre situation mais que je ne peux accepter vos actes, ingrats et tournés dans votre seul intérêt particulier. De plus, vos enfants vont grandir sans pouvoir se référer à l’image parentale, sans pouvoir regarder leur père chaque soir en se disant qu’il