Salina les trois exilex
ISBN 978-2-330-10965-3LAURENT GAUDÉ
Salina
les trois exils romanPour ma mère,
Pour ma fille,
De l’une à l’autre,
Ce qui passe, vit et se transmet.Le jour des originesAu tout début de sa vie, dans ces jours d’origine où la matière est encore indistincte, où tout n’est que chair, bruits sourds, pulsations, veines qui battent et souffle qui cherche son chemin, dans ces heures où la vie n’est pas encore sûre, où tout peut renoncer …afficher plus de contenu…
Elle se concentre. Elle ne peut pas dire avec certitude que c’est bien un cri qui l’a réveillée. Elle doute même de l’avoir entendu.
Un temps, elle cherche dans le ciel s’il ne s’agit pas plutôt d’un rapace qui saluerait le monde comme un souverain son peuple, mais rien… À l’autre bout de sa vie, il y a cet instant, identique presque, où ce n’est pas elle qui crie mais elle qui écoute, où elle reste immobile, sur ce rocher qui domine les paysages alentour, cherchant des yeux une confirmation à ce qu’elle a cru percevoir. Pense-t-elle, à cet instant, que le cavalier est revenu la chercher ? Non. Une vie entière a passé et le cavalier est si loin qu’il n’appartient plus à sa mémoire. Soudain, elle l’entend à nouveau : …afficher plus de contenu…
Il a cru parfois qu’elle inventait, mais ce sentiment a vite disparu. Elle avait dans la voix des fêlures qui ne mentent pas, quelque chose en elle se brisait parfois, elle butait toujours sur le même nom, s’essuyait les yeux toujours à l’évocation de la même scène. Il veut l’entendre raconter les récits qu’il connaît déjà et qu’il a envie de retrouver, mais elle ne le fait pas. Au bout d’un certain temps, elle lève la tête et lui dit : “Aujourd’hui, c’est à toi de parler…”
Qu’il dise ce qu’il a vu et vécu. Qu’il raconte la mort du jeune homme, le marché aux épices du Nord. Qu’il lui explique la vie de la colonne, jour après jour, et les langues qu’il a apprises. Malaka hésite d’abord, mais