Sans nom 2
Nous allons suivre un plan en trois parties (quelle surprise): d’abord, nous nous intéresserons au personnage-type de tyran, le Père Ubu; nous étudierons ensuite le comique grotesque du passage pour croiser dans une dernière partie les deux axes et mettre en évidence l’argumentation indirecte au service de la satire.
I Le personnage-type du tyran
1.1. La violence
Père Ubu, le tyran-type, est d’abord un personnage violent. Notre extrait montre le massacre des Nobles qui sont bel et bien condamnés à mort (malgré l’aspect quelque peu déconcertant de l’annonce du supplice: « ils tomberont dans les sous-sols du Pince-Porc et de la Chambre-à-sous, où on les décervèlera »), et cela en absence de tout motif. De plus, Ubu n’est pas loin d’exécuter cette sentence lui-même: « passez-moi le crochet à Nobles… », « je les passerai dans la trappe », puis la didascalie « Il le prend avec le crochet et le passe dans le trou »). La violence est celle des décisions, mais aussi physique.
La violence s’exprime dans ses répliques, très abruptes (« Dans la trappe, alors! »), et marquées par une familiarité en décalage avec la royauté. Ubu tutoie les Nobles ainsi que Mère Ubu, il ne se prive pas d’insulter les Nobles qu’il va condamner.
1.2. La vulgarité
Ce point est étroitement lié à la violence du personnage, que sa vulgarité ne fait que renforcer. Père Ubu multiplie les insultes (« Tu as une sale tête », « stupide bougre », « bouffre » – ce qui est un néologisme). En revanche, « pigner », pour « pleurer », qu’Ubu emploie en s’adressant à la Mère Ubu, est emprunté à l’argot; sa syntaxe est parfois approximative (« Tu n’as rien autre chose? »).
1.3. La cupidité
La violence d’Ubu est motivée par la volonté de s’enrichir: il l’annonce dès le début (2e réplique de Père Ubu). Cette réplique rend absurde l’interrogatoire des nobles qui suit: Ubu compte les faire périr de toute manière. L’insistance sur les possessifs à la fin du passage illustre bien ce trait