Science
( L 'heroi"nede Desert, Lalla, est emigree a Marseille, au elle est employee comme femme de menage dans un petit hotel. Descendante des «hommes bleus» , nomades du Sahara, la jeune fllle est avide de lumiere, d'espace et de liberte. )
Dans les couloirs sombres de I'hotel, elle est une silhouette a peine visible, grise et noire, pareille a un tas de chiffons.Les seuls qui la connaissent ici, ce sont les patrons de l'hotel, et Ie veilleur de nuit qui reste jusqu'au matin, un Algerien grand et tres maigre, avec un visage dur et de beaux yeux verts comme ceux de
Naman Ie pecheur. Lui salue toujours Lalla, en franc;ais,et illui dit quelques mots gentils; comme il parle toujours ceremonieusementavec sa voix grave, Lalla lui repond avec un sourire. II est peut-etre Ie seul ici qui se soit aperyu que Lalla est une jeune fille, Ie seul qui ait vu sous l'ombre de ses chiffons son beau visage couleur de cuivre et ses yeux pleins de lumiere. Pour les autres c' est comme si elle n' existait pas.
Quand elle a fini son travail a l'hotel Sainte-Blanche, Ie soleil est encore haut dans Ie ciel. Alors Lalla descend la grande avenue, vers la mer. Ace momentla, elle ne pense plus a rien d'autre, commesi elle avait tout oublie. Dans l'avenue, sur les trottoirs, la foule se presse toujours, toujours vers l'inconnu. II y a des hommes aux lunettes qui miroitent, qui se hatent a grandes enjambees, il y a des pauvres vetus de costumes elimes, qui vont en sens inverse, les yeux aux aguets commedes renards. II y a des groupes de jeunes filles habillees avec des vetements collants, qui marchent en faisant claquer leurs talons, comme ceci: Kra-kab, kra-kab, kra-kab. Les autos, les motos, les cyclos, les camions, les autocars vont a toute vitesse, vers la mer, ou vers Ie haut de la ville, tous charges d'hommes et de femmes aux visages identiques. Lalla marche sur Ie trottoir, elle voit tout cela, ces mouvements, ces formes, ces eclats de lumiere, et tout cela