Se placer par rapport au roman de Tristan et Iseult de Joseph Bédier
Victoria LLORT LLOPART
Université Paris-Sorbonne (Paris IV) et Carlos III de Madrid
Notre propos est de montrer quelques épisodes de l'évolution du mythe tristanien du Moyen Âge jusqu’au début du XXe siècle. C’est-à-dire que le sujet principal de l’amour courtois est transformé jusqu’à l’accomplissement de l’opéra de Wagner et sa réponse dans Pelléas et Mélisande de Debussy. Cette évolution implique le dépassement des clichés classiques et la présentation du mythe dans une ambiance absolument différente : l’époque symboliste, où les personnages et leur mise en scène acquièrent des connotations mystérieuses et polyphoniques. Ainsi, cette re-création du mythe théâtral procure-t-elle à l’opéra français de nouveaux moyens d’expression et de signification. Un palimpseste vers l’art total
Tout d’abord, Tristan et Iseut est présenté comme un « conte d’amour et de mort », c’est-à-dire qu'il s’agit de plusieurs versions orales qui trouvent leur cristallisation littéraire entre 1150 et 1200, avec la parution de plusieurs versions écrites : Bernat de Ventadorn, Raimbaut d’Orange (1150), Tristan de Béroul (11501190), Tristrant d’Eilhart d’Oberg (1170), Thomas (1175), Folie de Tristan Oxford et
Berne (XIIe-XIIIe), Gottfried de Strasbourg (1200-1210), plusieurs versions du Tristan en prose (XIIIe-XVe), Hans Sachs (1553) : Tragedia von der strengen Lieb herr Tristant mit der schönen Königin Isalden (« Tragédie du fort amour de Sire Tristan et de la belle reine Iseut »)…, Wagner (1865), Bédier, Maeterlinck (1893), Debussy (1902) et d’autres musiciens comme Sibelius ou Schoenberg.
On peut envisager cette évolution de la forme et de la thématique comme un complexe palimpseste qui traverse les genres littéraires : le conte en vers, le roman en
prose, le théâtre, l’opéra et la musique instrumentale pure. Ainsi donc, il y a une triple évolution : du conte au mythe, d’une forme