SEANCE 1
AVANT LA REVOLUTION INDUSTRIELLE
DOC 1 : Marshall Sahlins, Age de pierre, âge d'abondance, Gallimard, 1976
Si l'économie est la science morose, l'étude des économies de chasse et de collecte devrait en être la branche la plus avancée, l'étude des économies de chasse et de collecte devrait en être la branche la plus avancée. On admet couramment que la vie au paléolithique était dure ; nos manuels s'efforcent de perpétuer un sentiment de fatalité menaçante, au point qu'on en vient à se demander non seulement comment les chasseurs faisaient pour vivre, mais si l'on peut appeler cela vivre ! On y voit le chasseur traqué, au fil des pages, par le spectre de la famine. Son incompétence technique, dit-on, le contraint à peiner sans répit pour obtenir tout juste de quoi ne pas mourir de faim, sans que lui accordé sursis, excédent, ni loisir aucun pour « fabriquer la culture ». Nonobstant tous ses efforts, le chasseur décroche la pire note en thermodynamique : moins d'énergie annuelle par tête que dans tout autre mode de production. Et dans les traités de développement économique, il se voit attribuer le rôle du mauvais exemple l'économie dite « de subsistance », c'est lui.
La sagesse traditionnelle est toujours obstinée. Il faut la contrecarrer de façon polémique et formuler dialectiquement les indispensables corrections : car, lorsqu'on y songe, la première société d'abondance, la voilà. Formule pour le moins paradoxale, mais qui introduit une autre conclusion utile et imprévue. Pour le sens commun, une société d'abondance est une société où tous les besoins matériels des gens sont aisément satisfaits. Affirmer que les chasseurs vivent dans l'abondance, c'est donc nier que la condition humaine est une tragédie concertée et l'homme, un forçat qui peine à perpétuité dans une perpétuelle disparité entre ses besoins illimités et ses moyens insuffisants.
Car il y a deux voies possibles qui procurent l'abondance. On peut « aisément satisfaire » des besoins en