Sept doigts de pied
Pastiche du poème « Les cinq doigts de la main » de Aloysius Bertrand
« Les sept doigts de pied »
Le gros orteil est ce gras cuisinier, d’humeur railleuse et rustre, qui s’empiffre à la fenêtre, au néon du restaurant « la cuisse légère».
Le long orteil est sa blonde filiforme aimable comme une porte de prison, qui dès le matin humilie sa boniche qu’elle jalouse et, envieuse, maigrit de l’embonpoint de son homme 1.
L’orteil du milieu est leur grand ado, flasque andouille qui serait médecin s’il n’était pas paresseux et qui serait aï s’il n’était pas homme.
L’avant-dernier orteil est leur fille détachée et provocante Satine 2 qui achète sa coke aux clans et vend ses services aux hommes.
Et le petit orteil est le benjamin de la famille, enfant surdoué, qui toujours se hisse sur un piédestal, comme le fait le chêne au roseau 3.
Et les deux derniers, pas encore accouchés, se querellent déjà ; l’un s’observe amoureusement dans le liquide amniotique de sa mère tandis que l’autre s’empourpre de colère.
Les sept doigts de pied sont la plus vivante représentation de la ronde infernale de Bosch4 qui ait jamais brodé les parterres des galeries du Musée de Prado.
1 : Citation du poète latin Horace
2 : Personnage titre du film Moulin Rouge
3 : Le chêne et le roseau, poème de Jean de La Fontaine qui traite de l’orgueil
4 : Jérôme Bosch, célèbre peintre flamand qui a peint Tabletop of the Seven Deadly Sins, œuvre présentée au Musée de Prado en