Si Dieu n'existait pas ...
Texte :
Dostoïevski avait écrit : "Si Dieu n'existait pas, tout serait permis." C'est là le point de départ de l'existentialisme. En effet, tout est permis si Dieu n'existe pas, et par conséquent l'homme est délaissé, parce qu'il ne trouve ni en lui, ni hors de lui, une possibilité de s'accrocher. Il ne trouve d'abord pas d'excuses. Si, en effet, l'existence précède l'essence, on ne pourra jamais l'expliquer par référence à une nature humaine donnée et figée ; autrement dit, il n'y a pas de déterminisme, l'homme est libre, l'homme est liberté. Si d'autre part, Dieu n'existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des ordres qui légitimeront notre conduite. Ainsi, nous n'avons ni derrière nous ni devant nous, dans le domaine lumineux des valeurs, des justifications ou des excuses. Nous sommes seuls, sans excuses. C'est ce que j'exprimerai en disant que l'homme est condamne a être libre (…)
Si j'ai supprimé Dieu le père, il faut bien quelqu'un pour inventer les valeurs. Il faut prendre les choses comme elles sont. Et par ailleurs, dire que nous inventons les valeurs ne signifie pas autre chose que ceci : la vie n'a pas de sens, a priori. Avant que vous ne viviez, la vie, elle, n'est rien, mais c'est à vous de lui donner un sens, et la valeur n'est pas autre chose que ce sens que vous choisissez.
Sartre, L’existentialisme est un humanisme, p36/89, Nagel.
Ne vous découragez pas: vous pouvez très bien comprendre ce texte à condition de commencer par connaître le sens des termes employés.
Par exemple: j'écris avec un stylo: ce serait ridicule de dire que le stylo écrit tout seul, qu'il se met à courir sur la page blanche comme s'il avait des projets, comme s'il était libre. C'est que le stylo a été fabriqué, qu'il a une essence qui le détermine: je ne peux pas en faire un marteau ...
Pour l'homme, ce n'est pas le cas: il se construit librement en fonction de ses projets, comme si son