Quand on lit un Simenon, ce qu'on recherche, c'est un style, une poésie des moments banals de la vie (genre qui se retrouve dans les belles nouvelles et romans de Philippe Delerm), on recherche un univers bien particulier, des dialogues savoureux, Maigret, sa femme, le coq au vin, et plein d'autre chose. J'ai pris ce Simenon-là, à tâtons, dans la bibliothèque familiale. Je ne savais pas de quoi il parlait, juste ce titre écrit sur une vieille couverture tape-à-l'oeil d'un exemplaire Presses Pocket, aux couleurs orange, rouge et blanche : « La mort d'Auguste ». En lisant ce titre énigmatique, je ne savais à quoi m'attendre : à un polar élucidant une enquête sur la mort d'un quelconque Auguste, ou je ne sais quoi ? Non, ce livre n'est pas un polar, Simenon a renvoyé Maigret, Mme Maigret et le coq au vin au vestiaire et nous a pondu un roman magnifique sur les relations père-fils. Je vous plante le décor : nous sommes dans le quartier des Halles (quartier que, comme Zola dans « Le Ventre de Paris », Simenon fait vivre, nous en parle, on s'y croirait, cette solidarité entre les commerçants, c'est magnifique, il nous campe des lieux en moins de deux, des personnages, les Brossard, et bien d'autres). Auguste, co-propriétaire d'un bougnat (l'Auvergne est très présente dans ce livre) avec son fils, tombe tout raide, en plein milieu du restaurant, victime d'une embolie. Antoine, son fils, continue tout de même le service, et, à la fermeture du bar, morose, il contacte ses deux frères, Ferdinand, juge morne, et Bernard, sorte de malfrat embarqué dans n'importe quel coup foireux. Avec la compagne de Bernard (qui est encore dans le Midi, dans une affaire obscure) et de Ferdinand, accompagné de Véronique, sa femme, un problème se pose : l'héritage. Surtout que le vieux père, on ne retrouve pas son argent. S'ensuit une histoire plutôt lente, mais dont on est impatient de connaître le dénouement. Les grandes forces de son roman sont : la parfaite restitution des relations