Sociologie public
(Que) faire de la sociologie publique ?
Le discours annuel du président de l’American Sociological Association (ASA) est un moment important dans la vie de la discipline, ou du moins de celui qui la dirige. Situé à la moitié du mandat annuel et non reconductible de son président, il a lieu lors du congrès de l’association, qui constitue l’une des rares occasions de rencontre pour les milliers de membres de la profession disséminés dans le pays. Il est, pour l’équipe dirigeante, l’occasion d’un bilan de parcours et l’opportunité de créer une dynamique pour son projet. Moment central de la conférence, le discours est aussi habituellement vite oublié. C’est le sort qui aurait dû être celui de l’allocution de 2004 de Michael Burawoy. Mais de l’avis général, son plaidoyer en faveur de la sociologie publique (« For public sociology »), définie à grands traits comme une invitation à toucher d’autres publics que ses pairs, fut un succès. Malgré une salle pleine à craquer, et un discours qui a duré deux fois plus longtemps que ce qui avait été annoncé, presque tous les auditeurs l’ont écouté jusqu’à la fin, attentifs au diagnostic de l’état de la sociologie étasunienne. Intéressés ou agacés, peu sont restés indifférents aux solutions proposées. Et dans les mois qui ont suivi, le thème a connu un retentissement étonnant dans la discipline. Avant même d’interroger la désirabilité de la « sociologie publique », le simple fait que l’appel de Burawoy ait suscité une telle vague de réactions doit être vu comme un révélateur du fonctionnement de la sociologie, dans sa relation aux autres disciplines,
dans sa visibilité à l’extérieur du monde académique, et dans son influence sur les décisions politiques. Comme le rappelait Georges Duby, le fait exceptionnel vaut moins en soi que pour ce qu’il donne à voir, « par ses effets de résonance, par tout ce dont son explosion provoque la remontée depuis les profondeurs du non-dit, par ce qu’il révèle à l’historien des